Récits du convoi Cap sur la COP de NDDL vers Paris

Après 2h de blocage de la nationale 23 et du convoi de Notre-Dame-des-Landes vers Paris par la police, celui-ci a été libéré. Les participants au convoi avait décidé d’un commun accord de refuser de décliner leur identité et donc se laisser ficher. Alors que les soutiens de la région commençaient à se rendre sur place, le ministère de l’intérieur a finalement accepté de laisser repartir librement le convoi, en se contentant d’une déclaration au mégaphone. Un policier a affirmé dans le micro que le convoi serait interdit d’accès à Saclay, l’étape avant paris et qu’un périmètre de “sécurité” serait déployé autour de la ferme de l’agriculteur qui devait nous accueillir. Il a aussi annoncé que toute tentative de passer à Saclay ou en île de France serait sévèrement réprimé. Mais pour l’heure le convoi a repris sa route …

Lire aussi: Le convoi Cap sur la COP interdit d’un département de plus (25/11/2015)

Récit de la première journée du convoi : samedi 21 novembre

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Cela s’affaire, charge, construit et décore à tout va depuis la veille à la Vache rit malgré la pluie battante. Le soir, les participant-e-s au convoi se sont retrouvés pour une assemblée permettant d’exposer l’organisation du convoi et d’appeler les un-e-s et les autres à s’inscrire sur les différentes tâche collectives.

En ce samedi matin ensoleillé, l’humeur générale est excellente et plein de gens de la zad et du coin sont venus soutenir le départ du convoi ou l’accompagner sur quelques kilomètres. Dans ce contexte plombé, il est crucial d’affirmer en acte notre volonté de ne pas laisser le gouverment museler la contestation sociale et environnementale lors de la cop 21. La tracto-vélo résonne alors comme un défi face aux interdictions de manifestations faites par le gouvernement.

Pour le premier jour, on part en peloton commun à 200 vélos suivis des 5 tracteurs et une remorque. On est quasi autant que le tour de France et on a une caravane logistique à faire rêver : un tracteur qui tire une cabane infokiosque et point d’acceuil, un autre qui tracte des toilettes sèches, un pour les tables et bancs, un pour les sacs et affaires perso histoire de rouler léger, une voiture média pour commenter la course et des véhicule-cantines pour foncer en avant nous préparer les repas. On a même des supporters sur le bord de la route dans les villages alentours pour crier et agiter des fanions.

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Sur les bicyclettes, les vtt customisés, les vélo-couché ou les tandems, on retrouve des gens de tous les âges, des militants du mouvements, des occupants de la zad, des ami-e-s du coin ou de plus loin, des paysans… Pour le plus grand plaisir de toutes et tous, le rythme, tranquille, permet aux unes et aux autres de se mélanger et de papoter.

On apprend chemin faisant ce que signifie rouler à autant sur la route. Nous nous occupons nous même d’arrêter momentanément les voitures aux intersections et passages de rond-point, et de faire gaffe à ce que tout se passe bien. Cela demande aux automobilistes un peu d’attente mais vu que le convoi a de la gueule et que l’on ne croise pas tous les jours pareille armada, ceux que l’on retarde sont généralement plutôt bienveillants..

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A midi, on fait une première répétition du banquet final sur la place du marché de Nort sur Erdre où sont installés les tables et bancs amenés par le comité local. Pendant la vaisselle et sous la première pluie du trajet, l’équipe légale fait un point sur ce qu’il faut savoir en cas de pression et sur ce que change l’État d’urgence décrété pour 3 mois avec une augmentation conséquente de la marge de manœuvre policière.

Au terme de cette étape d’échauffement, 40 km aux compteurs, on arrive tôt dans l’après-midi à la ferme qui nous accueille, la Gazillardière. Dans le soleil de la fin d’après-midi, le cadre est idyllique : un vallon boisé au bas duquel se niche un étang avec des chevaux, des ânes et de petites poules. Une vue sur un château abandonné. Un corps d’habitat réaménagé en gîte et bar et un grand chapiteau où se poser.

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L’organisation se cale efficacement : l’infokiosque se déplie, l’équipe cuisine sert le goûter, les geeks du vélo déploient leur atelier mobile avec un chevalet, un spot et les caisses à outils spécialisés, le groupe de com’ fait la revue de presse et met des nouvelles en ligne, différentes personnes sortent les sacs persos de la benne ou assurent l’approvisionnement des toilettes sèches… Sous le chapiteau, ça sort des cartes, un jeu d’échecs, des friandises ou un coup à boire… A 18h, on pousse un de nos hôtes à monter sur une table et à nous dire deux mots de sa ferme : ils y font de l’élevage, de la vente directe, louent ou prêtent le chapiteau pour des fêtes et concerts et tiennent un bar sur place les dimanches soir. Ce mélange des genre, entre espace agricole et lieu de rencontre et de convivialité, rappelle ce qui se recherche aussi dans certaines fermes réinvesties sur la zad. Notre hôte est acclamé pour son accueil. Michel de Copain qui habite juste coté et nous accompagne en tracteur sur le convoi se hisse sur la table à son tour et accepte de nous causer du wagon : un regroupement d’amis et paysans, qui ont décidé de s’entraider, être moins dépendant des banques et tiennent ensemble un magasin de producteurs. Ceux et celles du Wagon sont impliqués de longue date dans la lutte de Notre dame des landes. Michel en connait un rayon sur les luttes paysannes qui ont agité la région, depuis les paysans-travailleurs dans les années 70 jusqu’à aujourd’hui, pour maintenir les petits exploitants et des pratiques paysannes face aux « cumulards » ou à l’agro-industrie. Ils nous parle de la coopérative locale Terena qui cherche à devenir hégémonique et à imposer sa loi. Il nous raconte comment encore récemment, lui et d’autres se sont organisés collectivement avec succès pour faire pression face à un des plus gros propriétaires agricoles du coin et lui arracher 30ha en vue d’une installation.

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Le soir, certain-e-s d’entre nous se rendent à Ancenis pour une soirée d’infos sur la lutte. A près un bref historique, nous projetons un petit film qui vient d’être réalisé sur la zad et qui montre différents aspects de la vie sur place : pratiques agricoles, constructions, vie collective… Il s’en suit un tas de question et d’échanges sur les manières de s’organiser à autant sans structures hiérarchiques et avec des entités et personnes aussi hétérogènes, sur les possibilités de sortir nos vies de l’économie marchande et sur les différentes manières de penser le « confort ». Des habitants d’Ancenis s’interrogent sur les manières dont ce qui s’expérimente sur la zad pourrait être transposable en ville. Nous rappellons qu’il va falloir continuer à batailler dans les mois à venir pour arracher l’abandon du projet et transmettons diverses invitations à venir sur la zad, notamment pour répondre à notre propre appel d’offres les 30 et 31 janvier..

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Récit de la deuxième journée du convoi : Dimanche 22 novembre

Après une nuit fraîche mais confortable sous le chapiteau géant, sous
les toiles de tente, ou dans une salle du corps de ferme, les
cyclistes se sont élancé-e-s en une joyeuse procession sous le soleil
matinal.

La voiture balai a prouvé son efficacité, en ramassant les cyclistes
victimes des premières crevaisons. Dans un concert de sonnettes de
vélos et de klaxons de tracteurs, nous avons traversé Ancenis, mettant
une certaine animation dans le bourg ce dimanche matin. L’occasion de
discuter avec les passant-e-s, et de distribuer des tracts expliquant
les enjeux du convoi.

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Quelques kilomètres après Ancenis, un comité d’accueil inattendu nous
attendait.

Positionnés sur la RN 23, plusieurs fourgons de gendarmes avaient bloqué la route et mis en place une déviation pour les voitures. On nous explique qu’il est question de procéder à des contrôles d’identité de l’ensemble des participant-e-s, afin de notifier
« individuellement » l’interdiction de manifester en Ile-de-France. Logique, on est à plus de 350km de la région en question !

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Une AG impromptue s’organise alors au beau milieu de la route entre les blocages de flics, pour décider de la suite des événements : on discute des questions d’anonymat, de fichage, de ce qu’il est possible
de faire ensemble. On décide collectivement de refuser de décliner nos identités et donc se laisser ficher. Une « délégation » fait part de cette décision aux bleus manifestement perplexes : devant cet imprévu,
il leur faut demander des consignes au ministère de l’intérieur.

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Pendant ce temps, des messages sont envoyés tous azimuts, afin de
diffuser l’information de notre blocage, d’activer les réseaux de
soutiens et d’appeler du renfort.

Fort-e-s de notre décision de résister ensemble à ce coup de pression, les participant-e-s se détendent les guiboles avec une mémorable séance de yoga improvisée sur la nationale. Les jeux de cartes et d’échecs sont de sortis, et certain-e-s en profitent pour rafistoler tentes et vélos. L’ambiance est à la cohésion et à la détermination joyeuse. Deux heures après, alors que les soutiens arrivent de part et d’autres du blocage et que le téléphone presse n’en finit plus de crépiter, deux gendarmes s’avancent avec un mégaphone pour mettre fin au suspense. Une sommation ? Non, ce sera finalement une notification collective : il nous est formellement annoncée l’interdiction de manifester en Ile-de-France suite à la mise en place de l’Etat d’urgence. Interdiction également d’accéder à Saclay, la dernière étape prévue avant Paris, où un « périmètre de sécurité » va être déployé autour de la ferme de l’agriculteur qui devait nous accueillir.

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Ils nous annoncent enfin qu’on peut continuer la route, « en toute connaissance de cause ». Un convoi averti en valant deux, on repart nombreu-s-es et heureus-e-s d’avoir tenu collectivement notre position face à la pression policière.

Étant donné ce malheureux contre temps, il est déjà 14h et les ventres gargouillent… Réactives, les cantines se posent quelques kilomètres plus loin au bord d’un étang et nous régalent ainsi que les personnes venues en renfort.

On repart rapidement pour rattraper le temps perdu et tenter d’arriver
avant la nuit : ça pédale dur dans les montées ! Tel un convoi présidentiel, notre peloton est précédé par des motards de la gendarmerie et d’autres qui s’occupent en faisant la circulation.

L’arrivée à Angers est triomphale : des personnes nous attendent sur les carrefours malgré le retard, le froid et la nuit, pour une déambulation dans les rues de la ville.

Dans la salle municipale où est prévue la soirée, environ 200 personnes acclament l’arrivée des cyclistes, entonnent Bella ciao et se mettent à danser. Des cuisinier-e-s, aidé-e-s d ‘une trentaine
d’autres personnes, ont préparé de multiples plats, sauces et salades depuis le matin. De grands panneaux permettent à chacun-e de s’inscrire pour aller dormir chez l’habitant-e.

Le banquet en musique est suivi d’une projection-discussion sur le thème de la lutte à Notre-Dame-des-Landes. C’est aussi l’occasion de retrouvailles : nous étions déjà venu il y a 2 mois pour une manifestation devant l’université d’ Angers afin de dénoncer sa
collaborations au études de compensation environnementales payées par Vinci pour légitimer le projet d’aéroport. Nous avions alors constaté à quel point les comités locaux d’Angers et de Saumur étaient actifs.

Une fois encore, nous sommes ébahis ce soir par la chaleur et la ferveur de leur accueil.

Un peu plus tard, pendant la projection du film et la discussion
publique, un groupe se détache pour discuter des différentes options
possibles pour l’arrivée prévue sur les terres menacées de Saclay le 27 novembre, et la montée sur paris pour le banquet du 28.

Des contacts sont pris avec les collectifs et organisations qui nous soutiennent, avec les autres convois déjà en route et avec les personnes qui préparent notre accueil à Paris. Une chose est sûre de
notre coté : nous ne nous arrêterons pas de nous-même et continuons pour l’instant notre trajet.

La soirée se termine et beaucoup d’entre nous repartent passer une nuit au chaud chez des habitant-e-s d’Angers, d’autres rejoignent l’Etincelle, un chouette lieu autogéré militant. Quatre personnes auront le plaisir de faire connaissance avec la BAC locale :
contrôles, fouilles, menaces, volonté affichée d’humilier… la BAC était déjà connue pour ses contrôles abusifs, ça ne va pas s’arranger
avec l’Etat d’urgence…Mais on ne se laissera pas intimider par la stratégie de la peur et ses arguments sécuritaires. Plus que jamais, ensemble, on ne lâche rien !!

Lundi matin, le convoi commencera sa journée par une halte devant un lieu ouvert par un collectif angevin pour accueillir les migrant-e-s et expulsé récemment.

à suivre…

Le site du convoi